Les mystères de la publicité
- Saxha
- 24 août 2022
- 7 min de lecture
Fabien Teichner - fondateur et directeur de l'agence INTERRUPTION - retrace son parcours du Baccalauréat à son entrée dans le domaine de la publicité à Paris, au sein de cet entretien.

Nous avons plus ou moins tous la même image de la publicité : celle d'une activité ayant pour objectif principal de faire connaître une marque, d'inciter le consommateur à acheter un produit, à utiliser tel service, etc. Mais nous ne connaissons pas forcément "l'envers" du décor. Fabien Teichner, nous éclaire un peu plus, sur ce domaine plutôt vaste et flou.
Le Portrait
Fabien Teichner a tenté une première année de Sciences éco.-gestion, avant de se rendre compte que ce choix de parcours n'était pas pour lui. Il a donc trouvé sa voie en École de Réalisation Audiovisuelle* privée - dont il remercie ses parents pour l'avoir soutenu pendant deux ans dans ce projet là - et qui se nomme aussi l'ESRA.
Il a ensuite continué ses études dans une faculté d'Arts plastiques. La théorie prédominait mais cela restait tout aussi intéressant. Cette faculté est basée à Saint-Denis et Fabien l'a suivi avec l'option photographie.
À la suite de ses études, Fabien a réalisé de nombreux stages : stagiaire, assistant réalisateur, assistant photographe... Il a proposé un concept d'émission - dont l'ESRA lui avait apporté une aide matérielle - mais bien qu'une chaîne fut intéressée, ce projet n'a pas pu aboutir.
Fabien Teichner ne s'est pas découragé et il a proposé un autre concept à Thierry Ardisson, en passant par Frédéric Beigbeder - qu'il ne connaissait pas. En faisant des recherches sur F. Beigbeder, Fabien a découvert que celui-ci travaillait dans la Pub*.
* Il se trouve que Fabien avait fait un stage dans le domaine de la pub, avant son entrée à l'École.
Une fois la prise de contact effectuée, Frédéric B. a conseillé à Fabien de faire un pilote. Frédéric lui a aussi confié que la pub - malgré 99 F, son oeuvre littéraire, sorte de brûlot anti-publicitaire - reste un milieu très intéressant. En effet, nous pouvons y rencontrer pleins de gens différents : artistes, réalisateurs, photographes, personnes dans la communication, les médias, la politique, annonceurs, etc. Ce domaine créé de nombreuses passerelles, c'est la raison pour laquelle Frédéric lui a fortement recommandé de commencer par ce milieu-ci.
Fabien a commencé en tant que "créatif". Il a fait un stage avant d'être engagé en tant que concepteur.
Chez les créatifs, il y a deux métiers : les concepteurs-rédacteurs et les directeurs artistiques. Les deux sont au même niveau hiérarchique.
Fabien étant un homme littéraire a donc décidé de commencer en tant que concepteur-rédacteur - même si son parcours universitaire était plutôt "artistique", il n'avait pas les notions dans les logiciels de montage et de connaissance en terme de mise en page (essentielles au métier de directeurs artistiques).
Fabien Teichner a gagné un grand nombre de prix publicitaire en France comme à l'étranger. De ce fait, il a eu l'opportunité de devenir rapidement directeur de création.
Directeur de création : management d'équipe et prise de brief chez les clients.
La carrière de Fabien en tant que directeur de création a débuté dans l'agence Marcel - agence intégrée / digitale. Puis, dans une agence allemande Serviceplan. Et enfin, dans l'agence La Chose, qui est une agence française.
Aujourd'hui, Fabien a quitté les agences pour créer sa propre structure : INTERRUPTION.
L'interview
Quel projet professionnel aviez-vous à la sortie du lycée ?
À la sortie du lycée j'avais des envies de faire un métier créatif. Et j'avais très envie d'être réalisateur.
Pour mes parents c'était très compliqué parce qu'une carrière artistique est toujours aléatoire. Et comme de bons parents, ils m'ont plutôt orienté vers l'économie mais on a tous bien compris que ce n'était pas ma voie. Et donc, ils ont eu l'intelligence, l'ouverture d'esprit et surtout la générosité de me permettre d'aller vers une carrière qui m'intéresse.
Qu'est-ce qui vous anime le plus dans ce domaine artistique ?
Le fait de chercher les idées. Et la deuxième chose c'est de les faire exister.
90% de ce qu'on propose en termes d'idées finit à la poubelle.
Comment trouvez-vous vos idées ?
À la base, il faut avoir un esprit créatif. Il faut aimer laisser son esprit divaguer, créer des choses et s'inventer des histoires. C'est quelque chose d'assez enfantin.
Après il faut être curieux, s'intéresser à plein de choses pour se nourrir de ces choses.
Il peut m'arriver dans les transports en écoutant de la musique de trouver des idées. Mais ce sont des idées qui ne sont pas appliquées à quelque chose de précis. Et quand on est briefé par des annonceurs, c'est sur quelque chose d'extrêmement précis.
Donc, ce que j'aime bien faire c'est d'essayer d'avoir le maximum d'infos sur une marque : son positionnement, sa plateforme et de croiser cette plateforme à toutes les évolutions de la société.
Plateforme de marque : le développement des annonceurs et des publicitaires, c'est l'histoire de la marque, la manière dont ils se positionnent par rapport à leurs concurrents. C'est la philosophie de la marque et son évolution.
Quand j'ai toutes ces infos, j'essaie de réfléchir à une sorte d'entonnoir par rapport au brief. Donc, je réfléchis précisément sur le brief. Une fois que j'y ai réfléchi, j'aime bien partir extrêmement loin - dans des sphères mentales qui n'ont aucun rapport.
Pour ensuite faire un travail qui me permet de revenir au brief initial.
De quelle manière rassemblez-vous les données sur la marque ?
En général, on demande à la marque ou elle nous fournit ça. Et ensuite il y a le planeur stratégique qui vient compléter les données.
Qui vient auprès de qui ?
Comme dans tous les métiers il y a un côté relationnel - donc il y a des marques qui veulent travailler avec certaines agences et certaines personnes, parce qu'il y a toujours de l'humain derrière tout ça.
Ensuite, il y a la renommée créative d'une agence et des campagnes qui ont fait parler.
Et après il y a des annonceurs qui vont voir des agences parce qu'elles sont très bonnes dans un secteur bien précis.
Enfin, il y a des structures qui sont spécialisées pour organiser des appels d'offres officiels. Il y a des annonceurs qui vont voir ces "entremetteurs" et, ce sont eux qui organisent les compétitions officielles.
À part Paris, dans quelles autres villes avez-vous travaillé ?
Je suis toujours resté à Paris. J'ai travaillé avec des agences internationales donc j'ai pu être amené à bouger dans des pays étrangers.
Dans mon idéal à moi, j'aimerais travailler à l'étranger en étant immergé dans l'art.
Dans cet idéal, quelle serait cette destination ?
Dans mon idéal ça serait les États-Unis pour la partie cinématographique parce qu'au final, il y a plus de projets - en tant que spectateur - qui me plaisent et qui viennent des États-Unis qu'en France.
Quelles ont été les étapes à la création de l'agence Interruption ?
J'ai travaillé avec des graphistes pour le logo, des développeurs pour le site internet et des free-lances pour les projets sur lesquels je commence à travailler pour mes clients.
Pourquoi avoir choisi "Interruption" comme nom pour votre agence ?
L'agence se nomme Interruption, tout d'abord car elle a été créée à la fin du 1er confinement, après que le monde entier ait été mis en pause forcée pendant un certain temps.
Ensuite car aujourd'hui, les gens vont chercher ou se font happer par des centaines de messages chaque jour sous différentes formes, que ce soient des articles, des images, des mini vidéos, des gifs,... Ils se "nourrissent" donc chaque jour de micro coupures qui viennent constituer une source d'informations et d'entertainment.
Aujourd'hui, nous voulons nous inclure dans ce rapport journalier que les gens entretiennent avec les médias et les réseaux sociaux.
Enfin car la structure que nous proposons est rupturiste avec les modèles actuels des agences de communication.
C'est pour toutes ces raisons que l'agence s'appelle ainsi.
Quel est l'effectif de l'agence Interruption ?
Nous sommes une dizaine actuellement, après nous sommes plus structurés comme une société de production. Et les sociétés de production travaillent avec un noyau dur, assez réduit et grossissent en fonction des projets.
De quelle manière avez-vous formé le réseau de l'agence Interruption ?
Nos prospects viennent à la fois de notre réseau, du bouche à oreille et des cabinets de pitch qui organisent des appels d'offre, comme folique précédemment.
Est-ce que l'agence Interruption compte collaborer avec tous les annonceurs potentiels ou bien plutôt avec une liste précise d'annonceurs ?
Au début quand on est une jeune structure c'est un luxe de choisir ses annonceurs mais en même temps, je ne m'interdit pas du tout de le faire. On est dans une période où chaque citoyen réfléchi sur la manière dont il se positionne dans le monde et son impact sur le monde (son côté éco-responsable). Il y a des marques qui font très peu d'efforts pour essayer que ce monde aille mieux, voire n'aille pas plus mal. Donc c'est sûr que je me poserais beaucoup de questions sur certaines marques.
Mais ce n'est pas encore arrivé ! (rires)
Envisagez-vous d'autres perspectives au sein de votre carrière professionnelle, qui soient différentes du domaine artistique / publicitaire ?
Si je suis aussi excité de créer ma propre structure, c'est que ce type de société n'existait pas vraiment auparavant dans la pub.
Il y a d'un côté des agences de publicité - qui de plus en plus, ont d'abord créé des départements "tv production". Et puis, qui ont commencé à intégrer des sociétés de production à l'intérieur des agences (afin de créer des contenus de toutes pièces) - et de l'autre côté, il y a les sociétés de production.
Donc, se sont les agences de publicité qui faisaient appellent aux sociétés de production pour des petits projets comme des plus gros.
Au fil des années, les agences de publicité ont de plus en plus intégré les petits projets et de faire appel aux sociétés de production pour les plus gros projets. Et de l'autre côté, les sociétés de production commencent de plus en plus à travailler en direct avec les annonceurs.
La société que j'ai décidé de créer est d'abord une société de production mais qui intègre des métiers de la publicité : planeurs stratégiques, créatifs, managers / commerciaux et des spécialistes dans le digital.
À côté de mon métier de publicitaire j'ai réalisé pas mal de pubs, clips vidéos. Donc, je voudrais en créer de plus en plus, sans forcément toujours en rapport avec la publicité.
J'aimerais bien m'orienter de plus en plus vers l'art mais aujourd'hui la publicité - quand elle est bien faite - reste intéressante.
À terme j'aimerais faire uniquement des projets artistiques.
Interview menée par Saxha P.R.
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